Cuba
Le soleil se lève lentement à l’horizon et le golfe du Mexique s’embrase, il n’y a point de jour sans aube. Le Malecón habanero, solitaire pour quelques heures, compte les nombreuses bouteilles de rhum vides venues se briser sur les rochers formant la côte. Le silence règne. Défilent ensuite ces mythiques voitures du siècle dernier, couleurs saturées, le long de ces vieilles habitations soit détruites, soit abandonnées. Ruelles après ruelles, me voilà seul en plein centre d’une ville dont le charme m’a littéralement envahi, dont l’histoire résonne dans ses nombreux quartiers. La Havane doit absolument être visitée.
Les heures passent et les kilomètres s’empilent, d’El Capitolio à la majestueuse Catedral, avant d’arpenter le Nuevo Vedado et ses habitations colorées. Un graffiti représentant le Che par ci, un autre représentant Cienfuegos par-là, et cet immense drapeau étoilé qui flotte Plaza de la Revolución. Roulent encore plus nombreuses ces voitures que je n’avais plus revu depuis une bonne vingtaine d’années, comme sorties de publicités françaises Peugeot vintage des années quatre-vingt-dix. Roulent aussi ces autobus à impériale remplis de touristes qui n’hésiteront pas à se flinguer le budget en puros et double mojitos à la première fabrica venue. Tellement de choses à voir, tellement de choses à raconter…
Puis vint le moment de bouger. Juste avant de prendre un bus réservé au guichet la veille pour la région agricole de Viñales, je donne une vingtaine de pesos convertibles à une personne travaillant au Cementerio de Cristóbal Colón, et me l’ayant fait gentiment visiter. Je n’avais rien d’autre, même pas un Cohiba bien parfumé planqué au fin fond de mon sac, tout fumé comme un routier. Les larmes aux yeux, il me prend dans ses bras et me fait rapidement réaliser que je venais tout juste de lui donner pas loin d’un mois de salaire complet. Et à cet instant, beaucoup de choses ont changé.
Le bus est littéralement blindé, je dois être le seul touriste. Le conducteur refuse des dizaines de familles faisant du stop le long de la route menant à Pinar del Río. Le soleil est au zénith, il fait une chaleur hallucinante et des gamins en uniforme marchent un semi-marathon en guise de retour d’école. Facile trois heures de retard, un village entier attend encore ce bus afin de me proposer une chambre pour quelques pesos, quelques pièces qui pourraient embellir une semaine voire un mois entier. Viñales est autre histoire, et elle mérite d’être racontée.
Le soleil se couche lentement à l’horizon et un orage menace la vallée entière, il n’y a point de nuit sans crépuscule. Une bouteille de rhum local attend sagement sur la table centrale d’une casa particular dont les propriétaires sont l’amour incarné. Désespérés mais avec un sourire rayonnant, mes hôtes me racontent durant des heures l’histoire de leur vie, de leur pays, le seul qu’ils aient à présent connu. Des questions qui en amènent toujours plus, pour essayer de comprendre cette relation bizarre avec leurs voisins américains, pour essayer de comprendre ce système politique et les leaders qui l’ont façonné. Pour essayer de comprendre Cuba et ses chaleureux habitant(e)s. En huit jours de vadrouille, tu ne peux entièrement comprendre, juste essayer.
« Jeune homme, ces paysages que tu photographies à longueur de journée, ces couchers de soleil de l’éternel été caribéen que tu captures, seul ou accompagné. Ces champs de tabac qui surplombent nos terres rouge-orangées et dont tu seras, sans le moindre doute, le millionième à contempler. Tu retrouveras toutes ces belles choses sur ces cartes postales représentant cette espèce de prison dans laquelle ma famille et moi-même sommes nés. »